Archives de l’Exode

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6 minutes

Le troisième livre d’une série par

Becky Chambers continue l’exploration de son univers, celui où les humains ne sont qu’une espèce voyageant dans l’espace parmi d’autres. Celui dans lequel on traverse le vide sidéral en empruntant des tunnels “sub-spatiaux” et qui servaient déjà de vaste décor à ses deux précédents opus. Je savais bien sûr, en le commençant, que ce volume ne serait que peu connecté avec les livres de ce cycle (*). Cela dit je m’attendais, avec un esprit joyeux et ouvert, à visiter quelque nouvelle contrée exotique, peuplée d’extra-terrestres. Pas à me plonger dans la culture la plus déprimante de la galaxie, L’Exode, à savoir celle des humains !

(*) Qui n’en est pas un. Ou pas encore. On est plutôt dans un univers récurrent. Pour l’instant.

Autant l’avouer de suite, je n’ai pas pris un énorme plaisir à cette lecture, malgré les remarquables qualités de ce livre. Comme à son habitude Chambers livre un texte touchant, intelligent et plein de bienveillance, mais qui a eu l’effet inverse de celui que je recherchais. Je voulais y trouver de quoi me ragaillardir (*), mais j’en suis ressorti plus morose qu’autre chose. Cela dit, l’un des avantages d’écrire des chroniques sur des romans, c’est qu’on peut les analyser au-delà de son simple ressenti. Et même si je ne l’ai guère goûté, ça reste tout de même un livre très recommandable !

(*) C’est ce que j’attends d’un livre Hopepunk. Trouver des raisons d’espérer. De nature, je ne suis pas trop “espérant”.

Il était une fois… l’Homme

Vous vous souvenez peut-être de cette série animée éducative tentant d’embrasser l’histoire de l’Humanité (*). Le générique finissait sur quelques humains fuyant notre planète, peu avant son annihilation, à bord d’une fusée. Eh bien voilà ! Ce qui reste de notre espèce, c’est une flotte spatiale de vagabonds sans destination, fuyant un système solaire devenu inhabitable. Des réfugiés ayant emporté de sombres souvenirs, décidés à ne pas commettre les mêmes erreurs que leurs ancêtres et qui ont subsisté en s’adaptant à leurs dures conditions de survie.

(*) Non ? Oh, vous êtes un/e jeune ! Pitié, inscrivez-vous à ma newsletter, ou abonnez-vous à ma page ! J’ai des stats déprimantes en matière de pyramide des âges ! Et voilà le générique !

Quand t’as rien, t’apprends à compter sur les autres. Quand personne n’a rien, la solidarité est la seule solution. La flotte de l’Exode est ainsi devenue une société ultra-solidaire, sans argent, où tout se récupère, s’échange, se partage. Un monde dans lequel tu portes les shorts que portaient ton grand-père et son grand-père avant lui. Et dont les vaisseaux spatiaux, sans port d’attache, tombent en ruine. Et franchement, s’ils n’étaient pas finalement tombés par hasard sur des aliens ayant des milliers d’années d’avance technologique, les humains auraient certainement disparu de l’univers (*). Et même si pour certains humains cela s’est alors traduit en une immigration majeure, le droit de s’établir où ils le veulent leur étant acquis, certains ont pourtant choisi de maintenir en vie la flotte, et c’est ainsi que L’Exode poursuit son voyage. Sans but. Dans le vide. Pour faire vivre la mémoire et la tradition.

(*) Ce que vous saviez déjà, plus ou moins., si vous avez lu les deux premiers tomes du cycle.

Sciences de la vie

Dans ce texte, pas d’aventure trépidante, pas de galaxie à sauver, et pas la moindre IA traversant une crise existentielle ! Chambers nous invite à découvrir cette petite flotte, ce curieux petit écosystème (*), en suivant les destins croisés de quelques habitants de longue date de L’Exode et de deux nouveaux arrivants. Pour l’un, Sawyer, humain originaire d’une planète sur laquelle sa vie n’était pas une réussite, et qui entretient l’illusion d’un nouveau départ dans cette civilisation de la coopération. Pour l’autre, Ghuh’loloan, une ethnologue alien venue rencontrer son équivalent exodien, Isabel, et étudier les mœurs exotiques, aux yeux de la plupart des espèces de la galaxie, de cette branche de l’Humanité.

(*) Ah, je vous préviens, si vous êtes anti-bobo-écolo, vous allez pas aimer ce livre !

Entre ces deux points de vue étrangers, le livre entremêle avec brio quelques tranches de la vie locale. On suivra ainsi Kip, un adolescent peinant à comprendre quelle place lui sera réservée au sein de L’Exode. Tout comme on accompagnera Tessa dans sa vie de tous les jours, celle d’une ouvrière chargée de maintenir les vaisseaux en état. Et on découvrira aussi à quel point cette société prend soin de tous ses membres avec Eyas, dont le métier consiste à s’occuper du traitement des défunts, et à faire en sorte que leurs dépouilles ne soient pas des poids morts (*) pour cette communauté à l’équilibre fragile.

(*) Oui elle est nulle. Non, je n’ai pas pu m’en empêcher.

Mémoire

C’est au travers des moments partagés avec Isabel, plus archiviste qu’ethnologue, chargée de garder une trace de tous les citoyens ayant vécu au sein de la flotte, que le fond du roman se dévoilera au lecteur. Chambers propose en effet une réflexion appuyée sur l’importance de la mémoire collective, du souvenir, au sein des sociétés humaines. Et elle le rappelle aussi : l’avenir est incertain, pour les individus comme pour les sociétés, mais il se construit sur ce qui a été, sur ce qui fut, sur ce qu’il ne faudrait pas oublier. Une idée illustrée avec force par le fait que tous les humains de la flotte entretiennent la nostalgie d’une Terre, d’une époque (*), qu’ils n’ont jamais connues. Et un propos qui mérite qu’on s’interroge sur notre propre destin, sur ce qui nous unit, alors que nous dansons tous au bord de l’abîme !

(*) La notre, ou peu s’en faut.

Pour les membres de L’Exode, pourtant, qui ont déjà franchi le pas malgré eux (*), ce voyage sans fin est loin d’être inutile, et l’avenir finalement réconfortant. Car la communauté qui la fait vivre et qui la maintient a su se construire une culture qui, en elle-même, vaut bien cette vie qui semble terne aux yeux des étrangers. L’autrice livre ici un plaidoyer sur la résilience et sur la solidarité qui a forcé mon respect, mais dont je doute qu’il trouve beaucoup d’oreilles attentives.

(*) Rappel : ce sont les générations précédentes qui l’ont franchi pour eux. Nous.

Au final…

Recommandé pour les questions qu’il soulève, “Archives de l’Exode” n’est sans doute pas fait pour les lecteurs qui recherchent un moment de distraction à base de pisto-lasers et de vaisseaux supra-luminiques. Mais pour ceux qui cherchent une inspiration, un souffle, à même d’entretenir quelque espoir en l’Humanité, ce sera sans doute une lecture réconfortante, riche et pleine d’enseignements (*). Suffisamment détaillé et crédible, cohérent avec l’univers mis en place par l’autrice, il devrait plaire à de nombreux lecteurs ayant aimé ses autres romans et aux amateurs de SF “douce”.

(*) Vous en saurez beaucoup plus sur le compost, croyez-moi !


Fiche JKB

  • Genre : Documentaire anthropologique/Tranches de vie dans l’espace
  • Wow Level : 5/10. L’idée de la flotte n’est pas une innovation…
  • Note personnelle : 6/10. Sans plus. C’est pas nul, mais c’est pas pour moi…
  • Un peu moins de 500 pages, vite lues.
  • Probabilité de relecture : 25%. Au cas où on me dirait que je suis passé à côté, je veux bien…

Titre original :

Record of a Spaceborn Few

2018

Couverture :

Christopher Doll

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