Le songe d’une nuit d’octobre

Temps de lecture

6 minutes

Par Roger Zelazny

Zelazny est mon auteur préféré, et de loin ! Je retourne régulièrement à ses livres, toujours avec le même plaisir. Et chaque année, ou presque, quand approche le mois d’octobre, je me réjouis d’avance de pouvoir me replonger dans la lecture du “Songe d’une nuit d’octobre”. Plusieurs raisons à cela ! L’une d’entre elles est évidemment que l’intrigue se déroule durant ce mois brumeux et chargé de superstitions. Elle est ainsi découpée en trente-et-un chapitres, chacun couvrant les événements d’un jour : idéal pour s’offrir chaque jour son petit moment de délectation ! Car même si l’histoire se révèle plutôt macabre, voire carrément gothique (au sens le plus littéral et le plus littéraire du terme, on le verra) elle est teintée d’un humour au second degré que j’a‑dore. Et cela sans doute en raison de la nature peu commune du narrateur de l’histoire, un brave chien du nom de Snuff !

Un conte gothique, donc, narré par un chien… Ah ! Et avec un casting “gothique” trois étoiles, ne rassemblant que de stars : des personnages (plus ou moins bien) connus, tous empruntés à l’imaginaire(*) horrifique tant livresque que cinématographique. Bref, avec une intrigue qui prend les allures d’une enquête, qui s’intensifie au fil des chapitres et qui explose avec un dénouement théâtral et inattendu, c’est juste un plaisir de lecture !

(*) Imaginaire : au sens large. Certains protagonistes sont en effet basés sur des modèles plus “réels”.

La (pas si) calme campagne londonienne

Début du mois d’octobre, vers la fin du XIXème siècle, quelque part dans un petit coin de la campagne londonienne, c’est soudain l’affluence ! De nouveaux habitants sont en effet venus s’installer là récemment. Arrivés discrètement, en petits groupes, ou en duo, ils ont loué les demeures vacantes qu’ils ont pu y trouver. L’une d’elles est ainsi habitée par le ténébreux Jack, dont Snuff est le compagnon. La masure voisine, quant elle, abrite depuis peu celle qu’on surnomme Jill la folle et sa chatte, noire comme la nuit, Graymalk. Arrivés récemment aussi, il y a ce moine Russe(*) au regard dément suivi de Quicklime, son serpent, et aussi cet irlandais aux airs de druide, accompagné de son écureuil, Cheeter.

(*) Vous avez le droit de faire des rapprochements : bien que nommé Rastov, le moine ressemble en effet à Raspoutine. Jill possède effectivement un balai en plus d’une chatte noire. Et Jack est bien le possesseur d’un couteau.… particulier.

Et quand dès les premier chapitres, Zelazny annonce au lecteur la venue d’un conte des Carpates suivi de sa chauve-souris(*), et mentionne que le manoir du coin a récemment été loué par “le bon docteur” et son assistant, on se dit que quelque chose de louche se trame. Et c’est tout à fait le cas !

(*) Lequel s’établit bien sûr dans une crypte, avec son cercueil. Comme il se doit !

“We’re going to play the Game again…”

Extrait de “The game” – Love and Rockets

S’ils sont tous là, dans ce petit coin charmant, pas loin du fleuve, avec ses champs et ses collines, c’est parce que cette année le soir de la pleine lune coïncide avec le dernier jour du mois, le 31, la nuit d’Halloween, ou de Samain si on préfère(*). Et que, pour certaines personnes adéquates, porteuses des outils ésotériques adéquats, et qui ont procédé aux calculs mystiques que peu connaissent, c’est dans ce périmètre que se jouera le Jeu ! Un Jeu dont le prix vaut tous les sacrifices, et pour lequel les joueurs se prépareront durant tout le mois, avant de s’affronter le grand soir.

(*) Une fête druidique. Mais pas que. Ohhhh non, pas que !

Cela dit, comme Snuff l’explique si bien à Graymalk(*), “inutile de chercher à se nuire avant cette nuit-là !”, et c’est pourquoi les participants, certains du moins, vont ainsi collaborer durant le mois, malgré le fait que tous finiront par rejoindre l’un ou l’autre camp, les “ouvreurs” ou les “fermeurs”, et le fait, notoire, que les perdants ne s’en sortiront pas pour s’en vanter !

(*) Oui, comme dans certaines histoires pour enfants, ou les films de Disney, tous les compagnons animaliers des joueurs se parlent et se comprennent très bien ! De fait, l’histoire est tout du long racontée à leur niveau, ce qui la rend si fun !

Initiés ?

Ce livre est une manière aisée d’aborder le domaine du fantastique, au vu de son casting plutôt familier, et il reste écrit par l’un des plus grands écrivains de science-fiction américains, ce qui se sent tant dans le style que la narration ! Il est donc recommandé à tous les lecteurs désirant passer un bon moment ! Mais ! Mais, pas seulement ! Il est en effet encore plus savoureux pour qui serait un fan des films d’épouvante, époque âge d’or et pastiches compris, la liste des joueurs que j’ai exposée plus haut n’étant pas complète. Mais le plaisir sera d’autant plus grand pour les obsédés de la littérature pulp-fantastique ; ceux qui sont familiers des Contrées du Rêve et savent tout des chats d’Ulthar(*) !

(*) Pardonnez-moi ce mini-spoiler. Mais il y a quelques chroniques déjà que j’écrivais qu’il me faudrait reparler de ces choses… hrm… indicibles.

Bonus : avec des invités de dernière minute, le côté enquête surnaturelle de l’histoire se verra en plus doublé d’une vraie enquête policière menée par un grand spécialiste, bien connu de tous mais jamais nommé, mais qui agira, comme à son habitude, à titre… “privé”, dira-t-on(*).

(*) Et là je ne spoile rien, on le voit fumer la pipe sur les illustrations de couverture ! Celle en bannière et sur celle-là aussi !

Au final ? Auteur-culte et livre-culte !

Voilà. Tout est dit. Je n’ai pas la moindre intention de débattre au sujet de ce livre. Il est tout simplement trop court, ce qui ne lui permet pas un 10/10. Et c’est tout ce qu’on peut lui reprocher. Point.

Et au final, le fait de savoir que moi et Roger Zelazny avons eu des lectures et des goûts communs, reste l’un des points qui rend ce livre si cher à mon cœur.

Ah, ai-je mentionné que ce livre comptait au nombre des livres favoris de Neil Gaiman ? Non ?! Eh bien c’est le cas ! Alors faites donc preuve de bon goût, comme lui et moi, et lisez-le ! Vous me direz sans doute merci 😉


Fiche JKB

  • Genre : Hommage à la culture gothique littéraire et cinématographique
  • Wow Level : 9/10. Il y a l’idée de rassembler ces personnages-là. L’idée des animaux familiers. La narration. Et le final-hommage est incroyable !
  • Note personnelle : 9.75/10. Peut-être pour quelques pistes pas assez explorées. Et aussi parce que je trouve tout cela bien trop court !
  • Même pas 200 pages. Le style est si fluide qu’il faut un samedi après-midi, à peine, pour en venir à bout !
  • Probabilité de relecture : 100%

Titre original :

A Night in the Lonesome October

1993

L’édition Hélios, plus récente, comporte une excellente introduction. Elle compte aussi malheureusement quelques coquilles absentes de l’édition précédente.

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