Libration

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Le second livre d’une série par

Suite de “L’espace d’un an”, ce second roman, de ce qui est devenu depuis une série à succès, est à mes yeux une réussite. Tout d’abord, parce que pour une suite, il est suffisamment original en lui-même pour faire rapidement oublier son prédécesseur. Ensuite parce que la plume de Becky Chambers est, telle que je m’en souvenais, toujours aussi agréable, légère et précise. Et au final, parce que l’histoire qui y est racontée, sans temps morts, est tout simplement bonne, intéressante et émouvante. Un ouvrage qui confirme donc l’étiquette “hopepunk”(*) que la critique a collée à cette autrice, et que j’ai dévoré tellement rapidement que je suis arrivé au bout sans même m’en rendre compte !

(*) La critique et les éditeurs. Qui recyclent le suffixe “-punk” ad nauseam. Ce que ça m’énerve ! Mais bon, on dira que c’est de la SF bienveillante, pas de la Hard-SF qui renvoie l’humanité à sa juste place, celle d’un vermisseau dans l’univers !

Contexte, résumé de l’épisode précédent

Dans le futur, l’humanité a rejoint en tant que membre mineur l’Union Galactique, une fédération pacifique regroupant diverses civilisations aliens, qui vivent tous en bonne intelligence. Dans ce monde, on suivait Rosemary, une humaine en fuite, intégrant sous une fausse identité l’équipage du Voyageur, un petit vaisseau “foreur”, du type de ceux chargés de creuser dans le sub-espace(*) les trous de vers reliant les différents systèmes de l’UG. En sa compagnie, on découvrait cet univers peuplé d’aliens aussi différents les uns des autres, et on apprenait à apprécier le petit équipage du vaisseau constitué d’une IA, d’humains et d’aliens tous plutôt sympathiques et assez représentatifs de la diversité de cette société galactique et tolérante.

(*) Hop ! On n’est pas dans la Hard-SF, le sub-espace est un concept pratique, mais qui n’existe pas ! Chambers nous a pondu un système simple, hors de tout champ scientifique, et voilà ! Ça marche ! La SF, c’est ça aussi !

À l’issue de leurs aventures Lovey, l’IA pilote du vaisseau aimée de tout l’équipage, se voyait forcée de s’incarner dans un “kit humain”, un androïde, sous peine de disparaître. Un acte prohibé et punissable par toutes les lois humaines et aliens(*) et qui la conduisait à abandonner le vaisseau et ses amis pour s’enfuir avec Poivre, la technicienne qui s’était chargée de lui obtenir ce kit de contrebande.

(*) Oui, voilà. En gros parce que les IA il y en a plein, voire trop, et que causer reconnaissance des droits des IA, ça va trop loin, même dans cette galaxie supa-cool : déjà qu’on tolère les humains !

Voyage intérieur

Lovey a tout perdu dans sa fuite, ses amis, son corps et même, comble du comble, son ancienne personnalité et ses souvenirs(*). Au point de rapidement décider de se renommer en adoptant, une fois atteint le port d’attache de Poivre, le patronyme de Sidra. Un acte de renaissance qui n’efface tout de même pas son malaise profond, la pauvre ne se faisant pas à son enveloppe étriquée. Car du point de vue d’une IA conçue pour affronter l’espace, vivre dans un corps humain synthétique, limité en tout, c’est une expérience traumatisante, presque douloureuse !

(*) Oui. C’est compliqué. Elle est toujours elle, mais elle plus tout à fait elle. Bref, il vous faudra lire “L’espace d’un an”, pour les détails.

Sans compter que même à Six-Pointes, la ville interlope où elle a décidé de suivre Poivre, elle doit sans cesse rester sur ses gardes, afin de ne pas attirer l’attention : pas facile quand on est une IA, absolument pas programmée pour mentir comme elle ! Bref, c’est la parano, le malaise et pas du tout l’existence de rêve à laquelle elle s’attendait. Heureusement elle peut compter sur Poivre, laquelle semble décidée à l’aider et à la materner aussi longtemps qu’il le faudra, quitte à y perdre sa patience. D’ailleurs…

Il était une fois, Jane 23

“- Pourquoi tu te mets en quatre pour moi, Poivre ? – Tu es une IA. J’ai été élevée par une IA.”

Divisé en deux lignes narratives, le roman alterne les chapitres entre le présent de Sidra et le passé de Poivre. Et le moins que je puisse dire, c’est que j’ai été heureux d’avoir une autrice suffisamment douée pour faire passer un grand nombre d’horreurs aussi bien. Car le passé de Poivre, c’est celui de Jane 23, une ancienne enfant-esclave, un clone cultivé comme toutes ses sœurs, emprisonnées et mises au travail dès l’enfance au sein d’une usine, d’une décharge, de la taille d’un continent, sur une planète nommée Erob(*).

(*) Bref, cette galaxie n’est en fait pas si supa-cool que ça ! On y trouve des planètes peuplées de gros empaffés, adeptes d’un eugénisme qui ferait même pâlir le pire des nazis !

S’étant échappée de sa prison, la fillette avait finalement trouvé refuge dans une minuscule navette spatiale, abandonnée au milieu des rebuts industriel entourant l’usine sur des kilomètres. Et par chance, bien qu’incapable de redécoller, celle-ci n’était pas complètement hors-service, puisque Chouette, son IA était encore sur pied. Façon de parler. Avec suffisamment de batteries pour aider une fillette à survivre, on dira.

Autant l’avouer, avec pour moitié une histoire impliquant une adolescente découvrant la dureté du monde et faisant l’apprentissage de la vie sous la férule d’une IA, avec mes goûts, j’aurais dû poser ce bouquin. Sauf que dans ce cas-là, Becky Chambers se permet un sans-faute, à mon humble avis. Cette relation entre Jane et Chouette narrée brillamment, avec justesse, sans pathos, m’a totalement charmé. Le tout malgré un contexte des plus lourds : la survie dans une décharge industrielle du futur avec comme seuls voisins des meutes de chiens affamés, c’est loin d’être la fête !

Au final…

Vous avez l’introduction et le résumé des deux intrigues, et vous vous doutez bien qu’elles ont vocation à se rejoindre dans la partie finale : nul besoin que j’en dise plus ! J’avais un peu oublié les grandes lignes de l’univers de “L’espace d’un an”, même si je me souvenais avoir pris en affection Lovey à l’époque, comme de nombreux lecteurs. Et ces oublis n’ont en rien gâché mon plaisir : comme je le disais, ce second roman se suffit à lui-même et n’entretient que peu de rapports avec son prédécesseur. Pas beaucoup de découverte des us et coutumes aliens cette fois, ni de voyages dans l’espace, mais pour autant le lecteur, venu pour le côté “feelgood” de l’autrice, ne se sentira pas floué par une fin peu surprenante, mais ô combien satisfaisante.

Bref, Libration, c’est bien de la SF abordable, écrite sans arrogance et qui essaye de faire passer ses messages humanistes, tout autant que de divertir le lecteur. On y est sensible ou pas, mais pour ma part j’ai beaucoup aimé !


Fiche JKB

  • Genre : Récit initiatique/Éloge de l’altérité et de la fraternité/Mad Max Furiosa, mais en calme.
  • Wow Level : 6.5. La note science-fictionnelle n’est pas haute. Hormis l’idée de l’usine de clones, on est dans de la SF ultra soft, sans concept foldingue !
  • Note personnelle : 8. Je suis une midinette, en fait, j’ai fondu pour l’histoire de Chouette et Jane ! Et la fin, pourtant trop “feelgood” pour être honnête, m’a enchanté !
  • En poche, presque 500 pages, aux chapitres courts, bien rythmés : pas vu le temps passé !
  • Probabilité de relecture : 50%. J’attends de lire la suite…

Titre original :

Libration

2016

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