Chuchotements dans la nuit

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5 minutes

Par Howard Phillips Lovecraft – Version François Bon

Ceci n’est pas une chronique de “Celui qui chuchotait dans les ténèbres”, la traduction par Jack Papy de la nouvelle The Whisperer in Darkness, d’H. P. Lovecraft. Il s’agit bien sûr de la même novella mais dans une traduction plus récente, cette fois due à François Bon. Ayant récemment lu, avec satisfaction, sa traduction des “Montagnes de la Folie” (*), je m’étais dit que j’allais redécouvrir, grâce à ce traducteur, des textes de Lovecraft que j’aimais déjà, mais dégagés enfin de leurs lourdeurs. Autant le dire de suite : j’étais dans l’erreur !

(*) Soit : At the mountains of madness, précédemment connu sous le titre “les Montagnes hallucinées”.

“Celui qui chuchotait dans les ténèbres” m’avait laissé le souvenir d’un texte un peu long, à la narration redondante et au style plutôt pataud. Je m’attendais donc à voir ces défauts s’estomper, et peut-être même à les voir disparaître, mais en tous cas pas à les retrouver encore plus accentués que dans mon souvenir. Arrivé à la moitié du texte, je me suis alors arrêté pour relire et décortiquer certaines phrases, jusqu’à en être certain : si l’ancienne traduction était loin d’être parfaite, celle-ci est carrément à la limite de l’illisible. On en frise l’indigestion tant c’est lourd ! Amis lecteurs qui voulez découvrir Lovecraft, tenez-vous éloigné de ce gloubiboulga ! Mais allons‑y tout de même : une chronique entre amour et désespoir !

Narration épistolaire

Comme souvent avec les récits d’H. P. Lovecraft, on se retrouve avec un narrateur qui tente, au mieux, de rapporter précisément des faits qu’il n’a pas trop envie de se remémorer. Albert Wilmarth, le narrateur de The Whisperer in Darkness nous raconte ainsi comment lui et Henry Akeley se sont retrouvés en relation suite à la grande inondation qui eut lieu en 1927 dans le Vermont. Une relation qui, forcément à cette époque, en passe par un échange soutenu de lettres, et parfois de télégrammes, entre l’un et l’autre. Le début du roman commence donc par un échange épistolaire entre ces deux lettrés. Ou plutôt par les souvenirs que Wilmarth en garde : ses lettres et celles d’Akeley ayant disparu, c’est de mémoire qu’il nous les relate.

Et il faut bien le dire, ce procédé narratif, très lovecraftien, rend le début de l’intrigue un petit peu longuet. Réécrites par un Wilmarth, en proie à l’angoisse et au doute, les lettres que les deux protagonistes s’échangent ne rendent en effet pas le début de l’histoire bien palpitant. Et par la suite, en terme de style, ça ne s’arrange pas !

Gloubiboulga

Parce que bon : je veux bien admettre que Lovecraft ait eu une langue ampoulée, un lexique d’un autre âge, qu’il ait cherché à rendre par l’écrit le doute, la peur et la folie. Mais franchement, cette phrase :

“Comme nous sortions de Brattleboro, ma sensation de pesanteur et de pressentiment augmenta, pour le vague sentiment que ce paysage montagneux avec ses pentes imposantes et menaçantes, aux forêts étouffantes, appelait d’obscurs secrets et des survivances immémoriales qui pouvaient avec indifférence être ou ne pas être hostiles à l’humanité.”

page 87, 2nde édition Points

…même si c’est ce que vous trouvez dans le texte anglais original, vous ne le retranscrivez pas pour vos lecteurs comme ça, en vous targuant d’exactitude et de redécouverte ! Et l’excuse du style du à un échange épistolaire rapporté de seconde main ne tient même plus ici, puisqu’on trouve cette phrase au moment du voyage qui amène Wilmarth chez Akeley, soit au début de la seconde moitié de la novella !

Bref, même si la lourdeur et les répétitions ont toujours été un peu la marque de fabrique des textes de Lovecraft(*), cette nouvelle traduction aurait quand même pu essayer d’alléger ces tournures de phrases !

(*) Enfin, je dis ça : c’est surtout le cas pour les recueils compilés/réécrits par August Derleth et publiés en français par folio-SF.

Évitez cette version, parce que c’est une bonne histoire !

Voilà. Tout est dit. Je publie cette chronique parce que j’ai le livre entre les mains, et que ce blog me sert à livrer mes impressions. Et mon impression, c’est que ça ne mérite pas une chronique complète ! Je reviendrai donc bientôt en publier une autre, dès que je me serai procuré la traduction de David Camus, dont on m’a bien expliqué à quel point son travail était de meilleur qualité(*).

Et si vous n’avez pas accès à cette version, publiée en 2020, vous pouvez toujours vous retrancher sur la vieille traduction disponible dans le recueil “La couleur tombée du Ciel”. Évitez par contre cette version, publiée hors recueil en 2017, et disponible pour pas cher : vous n’y prendrez pas de plaisir !

(*) Merci aux quelques participants des groupes Facebook Fans de SF et Fantasy et Science-Fiction qui m’ont donné leurs avis sur ces deux traducteurs !





Fiche JKB

  • Genre : Horreur Cosmique.
  • Wow Level : x/10.
  • Note personnelle : x/10, pour cette version. Un 7/5 pour celle de mon souvenir.
  • Une torture qui a fait s’arrêter les horloges.
  • Probabilité de relecture : 0%, pour cette version. 100% pour celles de Camus et Papy.

Titre original :

The Whisperer in Darkness

1931

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2 réponses à “Chuchotements dans la nuit”

  1. Avatar de Pierre-Paul Durastanti
    Pierre-Paul Durastanti

    Pssst, David Camus, pas André. 😉
    Et oui, son travail est parfaitement digne d’éloges.

    1. Avatar de Jack Barron
      Jack Barron

      Oups, je corrige.
      Merci de passer par là !

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