Par Howard Phillips Lovecraft – Traduction de David Camus
“La couleur tombée du Ciel” : Cinquième lecture, mais première fois avec la traduction de David Camus ! Tous les ingrédients des futurs “hits” du maître sont déjà là, sans qu’une fois ne soit prononcé un nom bizarre(*) ! Plus fluide que dans mon souvenir, et accompagné de quelques notes de bas de page plutôt intéressantes, c’est un texte à la trame simple. Pas de lourdeurs, et une manière intéressante, quasi typique, de coucher par écrit une conversation entre le narrateur, un ingénieur aux connaissances scientifiques pointues (et qui n’est jamais nommé) et le principal témoin des faits, Ammi, archétype même du paysan sans éducation, mais pas si bête que ça.
(*) Un biais souvent constaté chez les écrivains voulant faire “façon Lovecraft”, et qui croient qu’il suffit d’écrire quelque part “Necronomicon” et “Ph’th’agn” pour être génial, genre Lovegrove ou Derleth…
Intrigue
Le narrateur insiste dès le début sur le fait qu’il passera le reste de sa vie en se tenant le plus éloigné possible de cette “lande foudroyée”, seule trace tangible restante d’événements s’étant déroulés quelques décennies(*) avant qu’il ne soit obligé de la traverser, et de la contempler, lui-même. Et ces événements, relatés par Ammi sont d’une surprenante banalité, du moins au début : il y a longtemps, au milieu de cette lande désolée se dressait la ferme des Gardner une famille sans histoires. Enfin, sans histoires jusqu’à ce jour, celui où une météorite s’abattit pas loin de chez eux…
(*) Les faits datent de 1880 et sont relatés au narrateur environ cinquante ans plus tard.
Horreur cosmique light
La lente déliquescence de la région et de la famille qui s’en suit n’est pas plus terrifiante que cela, malgré l’insistance du narrateur, autant le dire. Et je classerais donc, pour ma part, cette nouvelle dans le domaine de la “science-fiction qui laisse sans voix” : pas tant pour les prémices de l’intrigue, tout à fait réalistes, mais plutôt pour les mentions, répétées, que les chercheurs et les universitaires qui se penchèrent sur les faits, à l’époque, furent incapables d’apporter la moindre explication scientifique aux terribles et mystérieux événements que cette “couleur tombée du ciel” entraina. Et que l’inconnu soit une source de peur : voilà bien, en partie, le propos de Lovecraft, tel que je le comprends.
Au final…
Un texte classique, qui, sans être génialissime, se laisse lire. Et qui révèle que Lovecraft s’intéressait à l’astronomie, autant qu’à la littérature(*). Cela dit, malgré ma mention d’une horreur cosmique ne vous attendez pas à trembler en lisant “La couleur tombée du Ciel”. Vous pouvez par contre profiter de cette lecture pour vous interroger sur les limites de vos connaissances et sur ce qu’implique alors, pour vous, le terme “mystérieux”.
(*) …et qu’il aimait bien le pays qui l’entourait… Ces landes et ces forêts sombres de la Nouvelle-Angleterre… sont déjà là !
PS : je valide la bonne qualité de cette traduction. Mes précédentes lectures m’avaient laissé l’impression d’un texte, sinon plein des lourdeurs souvent reprochées à Lovecraft, du moins assez froid et peu haletant. Sentiments absents lors de cette relecture ! Mieux : les notes de bas de page m’ont même un peu instruit, et je sais qui est Milton maintenant !
Fiche JKB
Titre original :
–