Le Crépuscule de la Hanse – La Hanse Galactique T. 5

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8 minutes

Par Poul Anderson

Seconde critique sur la série “La Hanse Galactique” : la précédente introduisait l’univers et se focalisait sur la grosse novella donnant son nom au tome 4, “Le Monde de Satan”. Ce quasi roman était suivi d’une nouvelle, “L’Étoile guide“ que j’avais à peine évoquée, et dont le tome 5 constitue la suite directe. Le titre de cette suite, en français(*), annonce la couleur : ce sera bien la dernière des aventures de Nicolas Van Rijn, David Falkayn, Adzel et Chee-lan. Ce que le titre peut aussi laisser aussi sous-entendre, c’est que le temps de l’insouciante expansion humaine dans la galaxie est sur le point de prendre fin, du moins sous la forme dont le lecteur fut jusqu’ici le témoin.

(*) Le titre en VO ne l’annonçait pas, lui : Mirkheim. Soit le nom du domaine des nains dans la mythologie nordique. Rappelons que la famille de Poul Anderson était originaire du nord de l’Europe, ce qui le poussa à beaucoup s’y intéresser.

Comme pour le tome précédent, l’équipe et les aventures qu’elle est amenée à traverser sont traitées d’une manière plus sérieuse que l’étaient les textes constituant le début du cycle : et cette fois-ci, l’Histoire, avec un grand H, est en marche, et notre équipe d’anti-héros, bien que prenant une part active aux événements qui changeront le visage la galaxie, semble désormais un petit peu dépassée.

Arnaques, suites et conséquences

Au cours de leurs aventures précédentes, on peut bien le dire, la petite équipe de la Compagnie solaire des épices et liqueurs n’a jamais manqué une occasion de faire une bonne affaire, quitte à s’attirer le courroux d’une tribu, d’une ville ou d’une planète d’aliens(*) toute entière parfois. Et, il faut aussi le rappeler, la Ligue des libres marchands, dont ils sont des membres éminents, s’est assez bien débrouillée pour se constituer, au fil du temps, une petite troupe d’ennemis au sein même des diverses organisations gouvernementales et marchandes humaines. Et comme il fallait bien s’y attendre, le temps est donc venu de faire face aux conséquences de toutes les péripéties qu’a traversées l’équipe. Pour filer la métaphore comptable : il est l’heure de faire les comptes !

(*) Dernière occurrence de ce mot dans cette chronique : je n’utiliserai plus que le terme de “sophontes” pour parler d’extra-terrestres.

Il ne fallait pas s’immiscer dans les affaires politiques des Marséiens, ces humanoïdes aussi prompts à la revanche que les humains ; il ne fallait pas gruger les habitants de Babur, ces sophontes qui jamais ne s’étaient sentis en concurrence avec quiconque ; et il ne fallait pas, non vraiment pas, donner ce petit coup de main en cachette à la Compagnie des Super-métaux ! (*)

(*) Marséiens et Baburites sont des sophontes déjà rencontrés dans les premiers tomes de la série. Et je ne peux pas dire qu’ils m’avaient marqué…

L’enjeu et l’ennemi

Cette compagnie, fruit d’une alliance improbable entre les plus pauvres des civilisations sophontes et les colonies humaines les plus reculées, se trouve être la seule en mesure de produire en quantité ces fameux super-métaux(*). Et cela non par la grâce d’un processus industriel révolutionnaire, ainsi qu’ils le font croire à leurs concurrents et clients, mais parce qu’ils ont mis la main sur une planète perdue dont la surface n’est littéralement faite que de super-métaux. Une planète qu’en secret ils ont baptisée Mirkheim.

(*) Les physiciens croyaient encore possible, au moment où Anderson rédigeait ce livre, l’existence de “super-métaux”. Des éléments plus lourds que l’uranium ou le plutonium, mais qui seraient radio-activement stables, et dont on postulait qu’ils auraient des propriétés quasi-magiques, si on pouvait un jour en trouver. Depuis on sait que de tels éléments n’existent pas, ce qui rend le propos du livre un peu moins pertinent.

Dans “L’Étoile guide“ on apprenait que la Compagnie des Super-métaux devait un peu son existence aux exploits et à la volonté de Falkayn. Et ainsi, depuis presque deux décennies, lui, mais aussi Van Rijn et toute l’équipe, ont en fait aidé autant qu’ils l’ont pu la Compagnie des Super-métaux à maintenir secrets l’existence et l’emplacement de Mirkheim. Une telle planète, un tel trésor en fait, serait en effet typiquement le genre d’enjeux qui pourraient provoquer une guerre entre humains et sophontes, par exemple. Et quand finalement le secret se retrouve éventé, c’est bien malheureusement ce qu’il se passe ! Les Baburites, se disant les plus proches voisins de Mirkheim, décident en effet d’en revendiquer la souveraineté, ouvrant ainsi les hostilités avec les compagnies et le gouvernement terriens, soudainement unis sous une même bannière “le profit avant tout” !

Sous d’autres cieux…

Sous l’impulsion de Van Rijn, pour qui ce conflit doit être évité à tout prix si on ne veut pas voir la galaxie s’abîmer dans une guerre totale, voilà donc le quatuor qui reprend du service et s’embarque pour une mission diplomatique à destination de la planète Babur(*), tout d’abord. Une mission diplomatique qui se traduira par un échec, mais qui apportera des interrogations majeures à l’intrigue : comment donc l’espèce dominante de cette planète, de grosses chenilles respirant un mélange d’hélium et d’hydrogène, s’est-elle si vite retrouvée dotée d’une telle puissance militaire spatiale, alors qu’elle semblait jusqu’ici bien en retard sur la technologie humaine ? Plus troublant encore : comment se fait-il qu’elle ait pensé à recruter tant de mercenaires, humains ou sophontes, capables de respirer de l’oxygène pour appuyer ses efforts militaires ?

(*) Une planète abritant des formes de vie dont la biochimie n’a vraiment rien à voir avec la notre, et une partie du livre qui constitue pour moi la meilleure. Non pour les faits qui s’y déroulent, mais parce que cela permet à Anderson de caser une de ses plus chouettes leçons scientifiques !

Comme d’habitude je n’irai pas plus loin dans le dévoilement de l’intrigue, mais résumons les choses ainsi : suite à ce premier voyage, Poul Anderson n’hésitera pas à glisser quelques éléments inattendus, emmenant ainsi le lecteur visiter une planète ayant servi jusqu’ici plus ou moins d’accessoire : Hermès, la colonie humaine au système politique plus ou moins aristocratique, dont est originaire notre héros aux dents trop blanches, David Falkayn. On ne manquera donc pas de voyages et d’aventures, comme il se doit, et de ces moments qui fleurent bon l’héroïsme un peu désuet ; la marque même de ce cycle.

Évolution

Comme noté plus haut, le traitement des événements que traversent les protagonistes se veut sérieux, fini le temps des retournements de situation, terminés les coups de génie qui transforment une situation difficile en soudaine source de profit. La liberté et l’ingéniosité qui jusque-là s’étaient révélées les thématiques principales des aventures de la Ligue, laissent leurs places à la bêtise forcenée qui conduit à la guerre. Laquelle, qu’elle se déroule comme on s’y attend ou qu’on parvienne à l’enrayer, n’est que l’un des symptômes du déclin(*) inévitable de toute civilisation, selon le point de vue d’Anderson.

(*) Dans sa postface, il livre d’ailleurs une partie de ses réflexions de “libertarien” sur le possible déclin d’une civilisation. Je me demande quel serait son avis aujourd’hui…

Au final…

Si on a suivi jusqu’ici le cycle de la Ligue Hanséatique, il est bien entendu logique d’en lire le dernier tome. Et il faut bien l’admettre, comme Anderson en convient d’ailleurs aussi dans la postface, il n’aurait pas fallu aller plus loin avec ce cycle, et ce tome 5 en est donc le dénouement, certes imparfait, mais tout de même agréable et bienvenu. Reste donc un texte au fort parfum de mélancolie tant pour les personnages principaux, que pour le lecteur, et certainement aussi pour Poul Anderson, mais qui se laisse facilement lire, malgré quelques longueurs heureusement rattrapées par un dénouement assez convenu mais satisfaisant.

À lire, donc, pour y retrouver ce goût de vieux space-opera satirique modernisé et pour s’esclaffer en découvrant les nouvelles interjections et locutions incroyables de Van Rijn. L’occasion aussi de rembarquer pour des voyages vers des planètes incroyables et de suivre nos anti-héros, finalement assez héroïques : la raison initiale qui m’a poussé à m’intéresser à ce cycle après tout !


Fiche JKB

  • Genre : Space-opera/Histoire du futur/Conte philosophique et d’action.
  • Wow Level : 5/10. Il y a peu de choses neuves, hormis des réflexions intéressantes sur les particularités de l’écosystème des “Hydropneumates” que sont les Baburites.
  • Note personnelle : 6/10. Trop long à démarrer, perdant un peu de son rythme parfois, et avec un dénouement un peu attendu.
  • 350 pages. Un style abordable, pas trop de digressions, pas trop de science.
  • Probabilité de relecture : Pas avant longtemps en tous cas : il faudrait pour cela que je recommence tout le cycle.

Titre original :

Mirkheim

1977

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