Par Frederik Pohl

Lire la fiche du Tome 1 _{(Risques de gros Spoilers sinon !)}

Il faut parfois se méfier : enchaîner la suite d’un roman juste après l’avoir fini, c’est prendre des risques : la possible monotonie du thème ^(*), l’envie de comparer ou d’autres défauts inhérents aux “suites”. Pour moi, entre les deux livres, pas de pause ; pour l’auteur, trois ans entre leurs publications, et pour le principal personnage, Robinette Bob Broadhead presqu’autant. Et, autant le dire de suite, ce second volume de la série “La Grande Porte” souffre en effet de la comparaison avec son prédécesseur. Oh, il y a toujours de très bonnes idées, et toujours des enjeux intéressants, des artefacts Heechees ^(**), et une IA pleine d’humour aussi. De l’espace, des énigmes et un ton léger, mais…

(*) Ce n’est pas le cas ici. C’est un peu le contraire, on va le voir.

(**) Rappel : les Heechees sont les stars absentes, l’énigme de fond, du cycle : leur technologie nous est restée, mais ils ont disparu il y a des milliers d’année, et on ne sait ni comment ni pourquoi.

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Grands absents

Pas de “Grande Porte” et pas de pilotes (merci aux traducteurs : Beyond the Blue Event Horizon…) ! Pas plus que de “Bob” Broadhead ! Tout du moins au début, où sont introduits de nouveaux personnages, une famille “étendue” en expédition dans un vaisseau, non pas Heechee, mais de technologie humaine, qui se traine laborieusement depuis 3 ans ; un voyage de la Terre vers un autre artefact Heechee, une usine. Celle-ci, orbitant aux confins de notre système solaire, pourrait bien se révéler un véritable trésor technologique, comparable à la Grande Porte. En parallèle de leur pénible avancée, l’auteur nous présente aussi Wan, un adolescent orphelin, ayant grandi presque seul sur ce qui semble être une station abandonnée, seulement habitée par des voix^(*). Cette station étant (mal) décrite au travers de ses yeux ignorants, on soupçonne qu’elle pourrait bien être l’usine Heechee que l’expédition familiale tente d’atteindre ^(**). Donc, si on sort du roman précédent et qu’on s’attendait, comme moi, à une expédition de secours dans un vaisseau Heechee, depuis la Grande Porte et vers un certain trou noir, avec un Bob déterminé à retrouver la femme de sa vie, on se retrouve un peu désarçonné !

(*) Des enregistrement ou des AI débiles, lui parlant depuis des haut-parleurs quand il les interpelle. Sacrée éducation ! Autant dire qu’il est un peu niais.

(**) Sans spoiler : oui et non. cf. infra

Rob, sa femme et Einstein

Après cette ouverture, avec une “usine” Heechee à atteindre et une énigme personnifiée par cet adolescent perdu on-ne-sait-où, on retrouve enfin Bob, mais aux prises avec sa vie de riche capitaine d’industrie, sur Terre, et armateur principal de ladite mission. Et si des discussions entre Bob et une nouvelle IA sympathique, un Einstein facétieux, sont toujours au rendez-vous, notre Bob, lui, est un peu différent : moins névrosé, il s’est enfin marié. Et pas à la femme de sa vie ^(*), mais à la programmeuse de cette IA-Einstein, Essy, un petit peu évoquée dans le tome précédent ! Heureusement, ces discussion entre Bob et Einstein, largement consacrées aux énigmes de l’Univers et aux réponses que la technologie Heechee semble leur avoir trouvées, redonnent enfin un rythme connu au livre ! Et elle sont à nouveau d’excellentes pépites de vulgarisation scientifique, aussi abordables qu’intéressantes. Puis vient l’intrication des fils narratifs : l’équipe familiale de la mission rencontre l’adolescent sur l’usine Heechee ^(**) ; Bob en est alerté et en débat avec son Einstein ; l’usine recèle des mystères et des dangers ; la Terre toute entière s’en affole et panique, et bon…

(*) Pour qui connait les événements narrés à la fin de celui-ci, c’est décevant de la part de Bob : Klara est donc toujours coincée ?! Il s’est marié avec une autre ?!

(**) Non, il n’y était pas au début du livre. Voilà. Un demi spoiler.

et bon… C’est une suite…

Et Pohl sait en écrire des suites, vu son expérience ! Même s’il n’avait sans doute pas tout de suite imaginé qu’après le 1^er tome, il écrirait d’autres romans dans le même univers ! Et c’est donc là, et pour ça, que j’ai été un peu déçu ^(*). Dès que l’action doit s’enchaîner entre les différents fils, on sent un peu les ficelles d’écriture, maniées d’ailleurs avec brio. Oh, il y a bien une bonne énigme centrale en rapport avec les Heechees, mais aussi une sous-intrigue qui m’a paru un peu artificielle et longuette^(**). Quant à la résolution de cette énigme centrale, je l’ai un peu vue arriver de loin, en m’impatientant, on dira. Le milieu du texte m’a donc semblé laborieux à parcourir, bien que correct. Et pour la fin, avouons-le, elle m’a paru un peu trop happy end et trop vite emballée (comme cette conclusion, d’ailleurs).

(*) J’avais de quoi m’y attendre, je ne suis pas totalement déçu. Et il reste encore trois tomes !

(**) Ça se sent que je l’ai pas aimée, l’histoire de la famille et de l’adolescent ?! Eh bien, la sous-intrigue est… euh…

Une suite à lire tout de même !

Si vous avez lu comme moi le roman initial et l’avez aimé, inutile de vous laisser refroidir par mon avis : lisez cette suite ! C’est toujours aussi agréablement écrit, bien que moins imaginatif que le premier sur les méthodes de narration (pas d’alternance entre présent et flashbacks). Ah, et les discussions scientifiques avec l’IA-Einstein : elles valent vraiment le détour (presque) à elles seules ! Arrivé au bout de ce tome 2, je dirais donc que, bien que l’ayant trouvé un peu long, j’ai tout de même apprécié ce voyage. Et cela même si, en terme d’exotisme, Pohl m’avait fait voir mieux avant. J’ai bien l’intention de lire la suite, mais après une pause cette fois.