La Trilogie de l’Héritage

Temps de lecture

8 minutes

3 romans, une série, par N.K. Jemisin

On peut sans doute résumer cette trilogie, mais ne me demandez pas de le faire, ce serait bien trop difficile pour moi. C’est trop dense, s’agissant d’une trilogie dont chaque partie est plus longue que la précédente, atteignant pas loin de mille-deux-cent pages, et j’accoucherais forcément d’un résumé tels que je ne les aime pas : trop long(*). Je pourrais aussi me trouver l’excuse que les événements couvrent un grand nombres d’années, et que donc le résumé succinct que j’en tirerais dédramatiserait le récit. Ça donnerait ceci (ou pas) : “Une cosmogonie qui se vit de l’intérieur, où à chaque instant le destin des dieux, des hommes et de l’Existence elle-même est remis en question par l’effet d’une farce, d’un assassinat ou d’un simple et chaste baiser.” Ce serait punchy et lyrique, comme les livres même ! Mais on en oublierait alors qu’il y a une galerie de personnages incroyables dans ces trois romans, qu’ils soient des dieux ou des humains.

(*) Bon, bien sûr, en vrai, cette chronique est un long résumé. Une quinzaines de paragraphes avec quelques arguments a contrario, pour vous convaincre de lire ces bouquins. C’est long, mais c’est une chouette trilogie.

Personnages. Héritage et réincarnations.

Mais… condenser mon avis sur ces livres, en utilisant l’angle dit “des personnages”, et en arguant que N.K. Jemisin est particulièrement douée et innovante dans ce domaine, qu’elle dresse des personnages fabuleux, ça serait un peu facile. Et d’ailleurs pas forcément très compréhensible, surtout en prenant garde de ne citer que les personnages qu’on retrouve dans les trois tomes : “Des femmes fortes, comme Enefa la déesse-mère, ou comme les reines de la famille Arameris, arrogantes et cruelles, qui règnent sur les Cent milles Royaumes depuis des siècles. Des royaumes où les dieux peuvent s’incarner en hommes, qu’on peut faire souffrir, et même contraindre à devenir des esclaves, comme Nahadoth le Sombre.” Le résultat est un peu trop grandiloquent et ampoulé, non ?! Et balancer leurs titres : “déesse-mère”, “le ténébreux” ! Ça ne donne pas une impression de récit pour adultes, alors que pourtant ça l’est ! Comme ces noms typiques de la fantasy aussi, Enefa, Nahadoth et Amrameri : ils n’évoquent rien et rendent le tout plutôt confus(*). Et, écrit comme ça, je trouve que ça sonne un peu Cinquante nuances de Dieux. Alors oui, les Arameris se transmettent le pouvoir sur tous ces royaumes, générations après générations, et ils ont pour cela réduit en esclavage des dieux !

(*) J’avoue, j’ai fait exprès que ça ait l’air confus. Pour me moquer de celui/ceux qui a/ont rédigé les résumés des quatrièmes de couvertures ! XD Même en connaissant les livres, il faut faire un effort pour les comprendre !

Bref, un résumé sous l’angle des personnages… pas sûr que mon effort soit convaincant. De plus, avec les mentions “femmes fortes”, “s’incarner en hommes”, “reines” et “esclaves”, il laisserait presque entendre que ces livres ne traitent que des relations femmes/hommes(*) et du rôle du genre dans la société, sous la forme d’une allégorie où dieux, humains et démons ne seraient que des images. Et on passerait quand même à côté des personnages. Qui eux ne font que changer, évoluer et se réincarner en ce qu’ils veulent, sans se laisser cataloguer par un résumé.

(*) Oui, N.K. Jemisin est une écrivaine, et oui le genre, le sexe et (soyons cash) la baise sont au rendez-vous de la trilogie. Mais non, ce n’est pas un truc woke ou anti-je-ne-sais-quoi, et non, il n’y a pas que des scènes d’orgies.

Cycle de fantasy. Magie, dieux et démons.

D’ailleurs, mortels, dieux ou démons, il faut réussir à suivre Jemisin ! Parfois les personnages sont les uns, puis les autres : déesses, mortels, enfants de démons, fils et frères à la fois, ou à la suite, ça change tout le temps, de sexe, d’avis et même de noms ! Si vous vous lancez dans cette trilogie, enchaînez les trois, ne faites pas de pause, évitez de vous disperser : il faut vraiment suivre, parce que ça va dans tous les sens ! On peut s’y perdre. La magie des mots… Les transformations incroyables… Il y en a tout le temps ! Ça a de quoi donner le vertige ! Je veux dire : la trilogie commence par un tome qu’elle a titré “Les Cent mille Royaumes”(*), comme ça, en toute humilité !

(*) Ne fuyez pas ! Il n’y aura pas de héros à suivre dans un voyage à travers cent mille royaumes, rassurez-vous ! On doit entendre parler en tout que de cinq ou six royaumes, et il n’y a que deux ou trois villes dont il faudra se souvenir !

Il faudra donc se concentrer en lisant cette trilogie, ne pas trébucher sur le début, ne pas s’arrêter en cours de route, ne pas s’étonner des fins : c’est parfois complètement dingue et ça pourra en rebuter certains. Ce n’est pas de la fantasy comme certains en lisent non plus : pas d’elfes ou de dragons en vue ; pas d’esprits des lieux qui susurrent aux oreilles des mortels ; pas d’éternels cycles du bien et du mal. Des démons, des dieux, oui, beaucoup, mais comme on en croise vraiment très peu dans la fantasy. Il y a d’ailleurs de quoi apprécier les démons plus que les dieux parfois. Bref, il y a de la magie dans cette trilogie, et ça la classe définitivement dans le domaine de la fantasy, mais de la magie et de la fantasy comme je n’en avais pas souvent vues(*).

(*) Je ne suis pas un lecteur candide en la matière, hein ! Et j’avais déjà lu son autre trilogie, Les Terres Fracturées, avec laquelle j’en avais pris plein les yeux !

Un petit résumé par tome, quand même ?…

Essayez de commencer cette trilogie sans vous mettre de pression(*), si je vous ai intéressé au point de vous donner envie de vous y essayer. Le premier tome étant en tout point excellent, il peut se suffire à lui-même. Il n’oblige en rien à poursuivre la trilogie, qu’on l’ait aimé ou pas, et il donne le ton !

(*) Quand je parle de pression, c’est qu’entamer une série plutôt qu’un roman isolé, peut parfois faire hésiter un lecteur. Je le sais, j’en suis un.

Dans Cent mille Royaumes, il est question de découvrir le centre du pouvoir, la cité-palais de Ciel, d’où règnent les cruels Arameris sur tout le monde connu, et où il faut craindre les dieux ténébreux ou leurs maîtres qu’on peut croiser au détour d’un couloir. De découvrir et de s’initier aussi aux jeux politiques par lesquels se transmettent les pouvoirs, la magie et les héritages dans ce palais et dans ce monde. Le tout étant narré par une héroïne sympathique, aussi étonnée et peu préparée à ces coutumes étranges que l’est le lecteur. Si à l’issue ce de premier volume n’êtes pas convaincus, j’en serais désolé, et je m’excuse d’avance, mais sinon, lisez la suite au plus vite !

Le second tome, les Royaumes déchus m’a personnellement paru excellent, mais j’en suis ressorti un peu déboussolé : les événements et le dénouement de ce second opus sont tels, que les enjeux du premier roman, en comparaison, s’en retrouvent un peu rétrécis. Cette fois-ci, moins concentré sur des dieux esclaves, ce tome se penche sur les lignée des dieux vivants, morts, ou disparus, évoqués dans le premier roman mais vus sous une nouvelle perspective. Et avec cette fois-ci comme sujet, la mort et la résurrection d’un dieu ! Accompagné de la question de savoir s’il faut, et pourquoi il le faudrait, ressusciter un dieu ? Le tout là aussi narré par quelqu’un qui va, autant que le lecteur, de surprises en surprises !

Le troisième tome, le Royaume des dieux, que j’achève à peine et qui m’a poussé à tout de même livrer un résumé et mon avis sur plus de 1000 pages, est lui com-plè-te-ment perché ! Enfin peut-être pas, complètement : mais les deux cent dernières pages ont été pour moi un toboggan sous acide, un déchaînement de poésie et de violences, une succession de rebondissements impossibles et pourtant jouissifs. Tout ce que l’on croyait savoir en tant que lecteur est remis en question à chaque chapitre, si ce n’est à chaque page, et pourtant : ça reste cohérent ! Le narrateur, cette fois-ci un dieu, accompagne donc le lecteur, avec un regard moins candide, le long d’une histoire qui semble mener à la fin de tout : à fin du cycle lui-même ; à la fin des royaumes et des héritages ; à la fin du monde et des dieux. C’est… inrésumable, en fait !

On est donc pas forcément dans l’abordable avec la totalité de la trilogie. L’écriture brillante et finement ciselée tout autant que brutale pourra désarçonner ou être appréciée, c’est selon ! Ce n’est pas une œuvre vraiment exigeante, mais elle réclame au lecteur de savoir s’ouvrir à de nouvelles expériences et, pour ma part, bien que souvent étonné et secoué, j’ai adoré l’innovation dont N.K Jemisin a su faire preuve. En résumé, même si vous n’aimez pas le fantastique ou la fantasy, c’est tellement atypique dans le genre que ça pourrait vous plaire. Et pour ceux qui aiment ça habituellement, soyez sûr que ça vous changera de ce que vous connaissez !


Fiche JKB

  • Genre : Fantasy. Politique et déités. Magie, amour et assassinat.
  • Wow Level : 9/10. Un feu d’artifices. Parfois ardu à suivre, mais fabuleux !
  • Note personnelle : 9/10. Excellent, moins bon que son autre trilogie.
  • Long. Trois pavés.
  • Probabilité de relecture : Je relancerai le premier tome encore une fois. En espérant ne pas me refaire entraîner…

Titre original :

Inheritance trilogy

PS : La bannière est un montage bâclé que j’ai réalisé avec des images trouvées par Google avec le nom de la trilogie en anglais. C’est visiblement une édition rare. Ne me dénoncez pas, c’est du fair use !

Publié dans les catégories suivantes :

, ,

Mots clefs :

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.