Par Laurent Genefort

Laurent Genefort : “le plus grand créateur d’univers de la SF francophone contemporaine” ^(*). L’intégrale de ses ouvrages occupe en tous cas une place de choix dans ma bibliothèque ! Depuis “Omale”, c’est devenu l’un de mes auteurs favoris, qui m’étonne et m’enchante toujours ! Opexx, courte novella au style percutant est bien de cet acabit : de la première à la dernière ligne, c’était un délice !

(*) Dixit Télérama. Et je ne peux que leur donner raison !

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Servir les aliens ^(*)

Ils sont enfin venus, apparaissant miraculeusement au milieu d’une séance de l’ONU, pour nous proposer leur aide et leur science ! Qui ? Le “Blend”, une communauté de plusieurs civilisations extra-terrestres, qui, après un temps d’observation, a décidé de se révéler à l’humanité pour lui proposer un marché ! Lequel ? Eh bien, les rejoindre comme membre à part de la communauté, enfin… “à terme”, le temps que l’on progresse. Et en contrepartie ? Le Blend est une communauté très pacifique, trop pour se salir les mains (les tentacules ?) elle-même dans des interventions armées, hélas, toujours nécessaires ! Or il se trouve qu’à leur avis, c’est notre spécialité en tant qu’espèce, la guerre ! On nous a donc suggéré de créer une sorte de service armé, à mettre à leur disposition chaque fois qu’ils en auraient, malheureusement, besoin. L’ONU a ainsi créé les Opexx (acronyme pour “Opérations extérieures”), quelques dizaines de soldats de métier, qui sont ainsi régulièrement envoyés en “mission” sur “d’autres planètes” au contact “d’autres extra-terrestres”. Des mercenaires, si on veut.

(*) Tu as compris l’allusion et tu sais ce qu’est un Kannamit ? Laisse donc un commentaire, il n’y a rien à gagner, mais ça me fera plaisir !

Se battre. Oublier. Recommencer.

Si j’ai mis plein de termes entre guillemets, plus haut, ce n’est évidemment pas pour rien, on va le voir. Si avant chaque mission les soldats sont bien évidemment équipés, préparés et briefés par une équipe d’aliens du Blend, à leur retour le protocole est assez strict : pas question de les laisser se souvenir de leurs missions ! Pour plein de raisons, mais dont la principale serait qu’il faudrait préserver la santé mentale de ces pauvre soldats humains. La diversité des aliens et des planètes qu’ils rencontrent pourrait certes apparaître, au premier abord, comme l’un des à‑côtés sympathiques de ce genre de missions, mais à l’épreuve des faits : non, pas du tout ! La diversité, ça peut être des aliens à l’air angélique, des planètes roses où poussent des arbres à nougat, des décors idylliques, grandioses et tout le tralala, d’accord ! Mais ça peut tout aussi bien être totalement le contraire ! Cauchemardesque ! Et ça l’est, le plus souvent ! Et donc, après quelques tentatives malheureuses^(*) de faire sans la “Déprogrammation”, le retour à la vie civile s’accompagne désormais de ce processus, mis au point par les scientifiques du Blend, qui leur efface la mémoire.

(*) Les soldats du Vietnam souffraient du “syndrome de choc à retardement” rien qu’avec des souvenirs de guerre normaux. Vous imaginez les dégâts avec des souvenirs anormaux !? Non ? Rassurez-vous, le livre vous aidera à l’imaginer. Gulp !

“Je me souviens…”

Narré à la première personne par l’un de ces soldats qui ne fournira même pas son nom, ce récit est pourtant bien constitué de ses souvenirs couvrant quelques “missions à l’extérieur” ! Comment, si on leur efface la mémoire ?! me demanderez-vous… Eh bien pour une raison des plus prosaïques : son cerveau ne fonctionne pas tout à fait normalement. Oh, non, ce n’est pas un taré, ni au contraire une victime du syndrome d’Asperger ! Juste le sujet d’une rare maladie cérébrale, qui entre autres effets, entretient chez lui une soif de découverte et empêche la “Déprogrammation”, l’effacement des souvenirs, de fonctionner. Bien sûr, ça l’inquiète, car si ça se savait, on le démobiliserait immédiatement ! Et donc en attendant, il cache cette particularité aux psychologues militaires, à sa femme et bien sûr à ses collègues ! Et bien plus que ses simples souvenirs, il en ramène aussi une compréhension accrue de ce que peut bien être le Blend, au fond. Et sans doute en rapporte-t-il aussi une empathie pour ce qui est “autre” ‑un amour de l’altérité et de la nouveauté, un sentiment dont seul le lecteur sera le témoin.

Si vous avez déjà lu…

Comme d’habitude, pas plus de détails que ça, surtout pour une novella : je ne vous gâcherai ni les merveilleuses, ni les horribles rencontres qu’il raconte avec son langage direct de troufion ! Pas plus que je ne vous donnerai d’avant-goûts des paysage formidables ou effroyables que Genefort a su inventer comme décors de ces expéditions sur des mondes extra-terrestres ! Si par contre vous avez lu “Projet Miracle”^(*) , je peux un tout petit peu vous déflorer Opexx en vous indiquant que les deux récits participent de la même thématique, avec des dénouements assez semblables, mais en quelque sorte inversés !

(*) De Mike Resnick. Un ouvrage aux limites du conte philosophique. Note personnelle : 7.5/10.

Au final…

Écrite dans un style efficace, et plutôt nouveau pour qui connaît l’auteur depuis longtemps, cette novella est une vraie corne d’abondance en termes d’idées. Chacune des missions rapportées est l’occasion d’un voyage aux limites de l’imagination. De ce côté-là, Genefort prouve qu’il est effectivement un maître en la matière, ce qui ne l’empêche pas livrer ici un récit touchant, captivant et qui m’a donné envie de le relire sitôt la dernière page lue ! Peut-être un petit peu ardu pour ceux qui ne connaissent pas la science-fiction, je lui mets tout de même l’étiquette “abordable”. Jetez-vous donc dessus, je parie que vous ne serez pas déçu !